samedi 3 septembre 2016

Retour de manivelle








De retour à ma tanière après quelques semaines dans des fermes perdues en Aubrac et en Haute-Loire, je fais du vide, je m'allège. C'est en lisant avec forte excitation le nouveau recueil traduit du cruel et sublime William Hazlitt, Le Combat, et plus particulièrement sa vigoureuse chronique Sur les gens désagréables, que je me suis juré de procéder en rentrant à ce salutaire et impitoyable nettoyage.

En écoutant à fond le Requiem de Serge Gainsbourg en boucle, j'ai opéré un tri sévère parmi mes correspondants cybernétiques, réduits désormais au strict et maigre contingent de ceux pour qui j'ai de l'estime, et avec qui j'ai profit et joie à échanger. Ils ne sont pas bézèfe ! 

Que les lunatiques, mufles, goujats, emmerdeurs, lèche-culs, faux-culs, réclameurs d'attention, ingrats, connards, connasses, hypocrites, tarés, débiles, incultes, belles petites ordures, sacrés petits fumiers, profiteurs, détrousseurs, plagiaires, pompeurs, sourdingues, aveugles, bluffeurs, matuvus, frimeurs, parasites et autres fâcheux de tous poils aillent se faire voir ailleurs. J'ai assez perdu de temps et d'énergie avec ma bonté à la con et ma lâche bienveillance à la mord-moi-le-nœud en répondant à ces envahisseurs sans vergogne, qui me donnaient bien-sûr du "mon ami" long comme le bras ! Et pourquoi pas du "monzami", puisqu'ils estiment que je suis au service de leur névrose et, tel le valet de leur vanité, dois répondre présent quand ils me sonnent ? 

Ah quel soulagement ! Je fête ça en sifflant un autre verre de bourgogne blanc aligoté, trinquant à distance avec le carré des derniers et rares vrais amis, eux (ils se reconnaîtront). Tchin tchin !

J'ai aussi méchamment élagué le trop copieux blogroll de mes liens, éliminant les indésirables et ceux qui sont ravis de s'y trouver mais ignorent la politesse de la réciproque. J'ai rajouté quelques sites que j'avais oubliés, par étourderie. Je procèderai un de ces jours à d'autres coupes. Et un autre godet d'aligoté pour fêter ça !

Plutôt que de retourner acheter des kilomètres de rayonnages, je fais, tant que j'y suis, joyeusement du vide, sans sentiment, dans ma bibliothèque. J'élimine à tour de bras tous les encombrants : ils pullulaient. Ces encombrants sont principalement des contemporains dont les ouvrages n'ont rien à foutre chez moi, puisque je ne les lirai jamais ou ne risque plus de les lire. J'ai descendu ces lourds cartons à la cave et aux poubelles. Certains de ces contemporains (tiens donc ! comme c'est curieux !) sont aussi ceux dont j'ai classé en "spam", en "indésirables", en "sinistres crétins" ou en "fâcheux" les adresses mail et zigouillé les liens dans le blogroll.

Fourbu mais ravi, je respire mieux. Voilà bien longtemps que je ne m'étais senti en si belle et baisante humeur. Bien qu'il y fasse trop crotté et qu'on s'y emmerde à un point dingue, la campagne a du bon. On ne s'en aperçoit qu'au retour. Comme on est bien chez soi ! Et quelques semaines à exterminer mouches, moustiques, frelons, taons et autres horripilantes bestioles exercent leur homme au carnage sanitaire sans scrupules des pires nuisibles : les bipèdes sublunaires. "La solitude est sainte" disait William Hazlitt, compagnon idéal des isolés volontaires et farouches, qui ajoutait : "je ne suis jamais moins seul que quand je suis seul". 

"On devrait imposer une taxe à tous ceux qui n'ont pas lu William Hazlitt" disait Robert-Louis Stevenson. Et à ceux qui ne lisent pas Stevenson, ajouterai-je. 

Me voilà un peu plus à l'aise. L'année commence efficacement. J'ai bien mérité une autre tournée de vin blanc. Et même de descendre toute la bouteille ! Tchin !
L. W.-O.




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