dimanche 19 juin 2016

" Et comment savez-vous que vous n'êtes pas déjà mort ? "




Penché sur le papier que je griffonne ou martèle avec mon Olympia de Luxe de 1963, je ne lève la tête que pour admirer les beaux nuages qui passent majestueusement à hauteur de ma terrasse babylonienne. Je caresse les flancs de ces étonnants bestiaux, me resserre un godet de vin des Abymes, trinque avec Bukowski qui chantonne en boucle "I am still here, leaning toward this machine", je roule une cigarette comme je tape : sans regarder mes doigts et tout en me goinfrant de Panettone, je remets Gil Scott Heron et j'avise l'heure sur ma montre en panne.





Plissant les yeux, j'essaye de distinguer au loin, là-bas en bas, si ces hordes braillardes sont une manif de la CGT, une charge de CRS, la Gay Pride, un vide-greniers de parents d'élèves, la Zombie Walk, ou des régiments de hooligans. Mes pauvres yeux ne font pas plus de différence que ma pauvre tête entre ces troupeaux nerveux et excités. Je me contrefous de l'actualité qui dynamise mes délirants contemporains. Sous les yeux de Raymond Carver, je m'envoie cul sec un verre d'Abymes en même temps qu'un poème de Miroslav Holub :

"D'aucuns s'agitent
comme s'ils n'étaient pas encore nés.
Un jour toutefois
William Burroughs, interrogé par un étudiant sur
son opinion au sujet d'une
éventuelle vie posthume,
dit :
— Et comment savez-vous que vous n'êtes pas déjà mort ?"

Écrire est pour moi le seul moyen infaillible de le vérifier.

L. W.-O.



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