jeudi 17 mai 2012

107 ans !

PORTRAIT DU PÉPÉ CHARLES EN CENTAURE, coll. L. Watt-Owen © / click to enlarge

— Quand c'est que tu vas t'y mettre ? Dans 107 ans ?!?!

Toute mon enfance, à la ferme de la montagne, on m'a "seriné" ce "Dans 107 ans ?".
Le mystère de ce chiffre m'a toujours obsédé. Sur le sujet, les spécialistes des expressions populaires ne m'ont jamais convaincu.
Depuis un demi siècle, je ne cesse de me seriner ce "Dans 107 ans !",  mais avec un point d'exclamation, car fidèle à ma paresse d'inremuable j'ai toujours devant moi plusieurs montagnes de trucs en retard ou de machins à faire, devant lesquels je baisse les bras d'avance, mais pas la tête : je suis le plus grand champion de flemme que je connaisse et je n'en suis pas peu fier. Je pousse mentalement ce refrain idiot, connaissant la bourrique, non pas sur l'air de "C'est pour aujourd'hui ou pour demain ?" mais de "Ni pour aujour'hui ni pour demain !".
Ce 107 est devenu en quelque sorte mon nombre fétiche.
Or, nous voici le 17 mai 2012 et je réalise que feu le pépé Charles qui m'a élevé et tout appris dans sa ferme de la montagne, fêterait aujourd'hui pile, étant né le 17 mai 1905, ses 107 ans.
En son honneur, à lui qui n'a jamais eu le temps de flemmarder, et m'a seriné tellement de "Dans 107 ans ?", moi la bourrique légendaire je me suis remis au boulot — en l'occurrence une espèce de mythologie personnelle où ce centaure increvable galope vivant comme jamais sur mes pentes fabuleuses.
L. W.-O.







5 commentaires:

Frédéric Schiffter a dit…

Une erreur s'est glissée dans votre texte. Le plus grand champion de la flemme, ne n'est pas vous: c'est moi. Je tiens à ce titre acquis 107 ans exactement avant de naître. Bien à vous.

Louis Watt-Owen a dit…

Dont acte !,
si je puis dire, cher Frédéric !
L. W.-O.

Anne-Françoise a dit…

Et Stevenson, alors! (J'ai bien mon idée pour mai, pour le 17 et pour Stevenson, mais vraiment tirée par les cheveux).

"Une activité intense, que ce soit à l’école ou à l’université, à l’église ou au marché, est le symptôme d’un manque d’énergie alors que la faculté d’être oisif est la marque d’un large appétit et d’une conscience aiguë de sa propre identité. Il existe une catégorie de morts-vivants dépourvus d’originalité qui ont à peine conscience de vivre s’ils n’exercent pas quelque activité conventionnelle. Emmenez ces gens à la campagne, ou en bateau, et vous verrez comme ils se languissent de leur cabinet de travail. Ils ne sont curieux de rien, ils ne se laissent jamais frapper par ce que le hasard met sur leur chemin, ils ne prennent aucun plaisir à exercer leurs facultés gratuitement ; et à moins que la nécessité ne les pousse à coups de trique, ils ne bougeront pas d’un pouce. Rien ne sert de parler à des gens de cette espèce : ils ne savent pas rester oisifs, leur nature n’est pas assez généreuse."

(Apologie des oisifs).

Votre livre - que je n'attendrai pas 107 ans, je vous le garantis - sera donc le fruit de l'oisiveté productive. Les rêveurs sont toujours de meilleure compagnie.

PS : suis tombée amoureuse de la moustache de votre grand-père, pour de vrai!

Dominique Hasselmann a dit…

Très belle légende pour la photo du "centaure" : "le droit à la paresse" du cher Lafargue, vous avez sans doute eu le courage de le lire !

Laissons du temps au temps, et prenons-le à bras-le-corps seulement quand l'envie nous saisit.

Nul doute que vous galopez déjà ailleurs.

kwarkito a dit…

Je prétends aussi au titre de grand champion de flemme, ayant pour adage "ne reporte jamais à demain ce que tu peux remettre au surlendemain" et comme le note Cioran, s'il m'arrive de prendre une résolution debout, il suffit que je m'allonge pour aussitôt l'annuler. De ce point de vue là, je suis surentraîné